Compte rendu de la soirée débat du Vendredi 7 février
Invité Hacene BELMESSOUS
Animateur Ahmed LARHZIEL

Rédacteur : Patrick
Public : une soixantaine de personnes

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Dans un premier temps Hafid EL ALAOUI, président de la maison de quartier à présenté la maison et rappelé les principes qui l'anime : indépendance envers les partis politiques et les religions, gestion par des bénévoles, ouverture aux habitants. Ahmed, rappelle ensuite le cadre de la discussion : partage de la parole, liberté d'expression, recherche et mise en commun dans le respect de la laïcité. Il fait ensuite une rapide présentation de la bibliographie d'Hacen Belmessous.


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Hacen Belmessous revient sur le fait qu'il semble avoir fait le constat assez négatif de l'évolution des quartiers dans son dernier ouvrage. Il commence par parler des médias, dans tous les lieux où vivent des gens « écrasés » par la paupérisation, la précarité, même si on veut faire preuve d'optimisme c'est difficile, car le débat semble figé par le fait religieux et la suspicion...Le fait qu'il y ait des acteurs agissant est inaudible car on reste dans des débats réduits et on ne fait rien évoluer. Les médias refont les événements et suggèrent des choses (par exemple dans le cas de ce débat la presse a présenté le débat en réduisant les questions  au départ de deux jeunes en Syrie et de l'existence de lieux prière dans les garages)


Comment parler au nom des quartiers? Aucune association ne peut se revendiquer de ce qui se passe dans les quartiers, les choses ne se jouent plus au niveau politique dans les quartiers.  Hacene parle de la difficulté de mettre en place des choses qui sont de l'ordre du destin collectif. Dans notre système actuel, c'est l'élection qui légitime une parole. Il y a une radicalisation camp contre camp... Comment être optimiste ? On peut, par exemple, remarquer que le mouvement des "Bonnets rouges" a été  compris comme une révolte sociale, un ras-le-bol généralisé. C'est par ce prisme que furent vues les destructions de mobiliers urbains. Pourtant, il y a quelques années, les révoltes dans des quartiers populaires, qui avaient des caractéristiques semblables, n'ont pas du tout été appréhendées de la même manière (cf article du Nouvel Observateur).


Néanmoins Hacène Belmessous a rencontré beaucoup de gens engagés, qui se vivent en marge, n'ont rien à négocier mais se battent (écouter ces documentaires audio (1) et (2)).
Croire que la mobilisation, c'est l'inscription sur les liste électorale  est une erreur.  Il n'existe pas de mobilisation à travers des choses générées de l’extérieur (SOS racisme...),il n'y a  pas de « vote de quartier », la mobilisation fonctionne sur un problème donné, c'est fragile....


Suite à cette introduction, Ahmed Larzhiel propose un échange avec la salle de trois moments  de questions réponses et remarques :
1/ Comprendre les événements de 2005 : motifs, état de la société à l’époque, responsabilités politiques et civiles
2/ Aujourd’hui, avec recul, quels en sont les conséquences sur la politique de l’État et des collectivités locales, sur le rôle des associations ; et quelle évolution ?
3/ Nous en tant que société civile, structurée ou non, et avec les habitants, quelles propositions pouvons-nous formuler, comment continuer la lutte ?
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1/ Comprendre les événements de 2005 : motifs, état de la société à l’époque, responsabilités politiques et civiles
La salle semble d'accord sur le fait que les émeutes de 2005 sont le fruit d'une révolte sociale même si les positions différent quant à la portée de ces événements, de l'importance données par les hommes politique au votes des quartiers. 


2/ Aujourd’hui, avec recul, quels en sont les conséquences sur la politique de l’État et des collectivités locales, sur le rôle des associations ; et quelle évolution ?
Il est fait référence à l'évolution du monde associatif, qui est souvent passé d'acteur du mouvement d'éducation populaire à « prestataire » de services....Le terme de quartier est stigmatisant. Pourquoi avec tout l'argent investi l'image des quartiers n'a pas évolué ? «quand on va au centre ville, il y a des jeunes, dans les quartiers, on  dit que c'est des jeunes de quartiers. ».
Comment avoir sa dignité ? De plus en plus de jeunes sont absorbés par la mosquée. La religion est devenue un point d'ancrage.
Pourquoi s'impliquer en politique quand la politique ne vient qu'aux élections ?
La politique de la ville ne peut pas gommer le fait que les classes sociales existent, il y a une déqualification généralisé de toutes les classes populaires...
Se pose aussi la question du jeu démocratique et de la représentation, le système rigide et figé. 30 % d'une ville font un maire... Seule la politique peut faire ce qu'elle a défait. La politique c'est les possédants mais il faudrait y aller pour la faire évoluer. Les adultes ont déserté les plus jeunes. L'adulte a déserté la sphère publique. Pour dépasser ça, la mobilisation, entrer dans les partis politiques. Les solutions de type révolutionnaire n'ont pas marché. Investir la parole publique.


3/ Nous en tant que société civile, structurée ou non, et avec les habitants, quelles propositions pouvons-nous formuler, comment continuer la lutte ?
C'est sur cette question que nous avons été le plus « court », nous avons parlé de mise en place d'alternatives, de « jonctions » avec des personnes qui se mobilisent dans les hackerspaces, de structures d'aides à la recherche de stages ou d'emplois... Hacene parle de l'importance qu'il y a investir la parole publique, à « prendre sa place ».
Nous avons arrêté le débat vers 22h30 et sommes partis partager un repas (qui s'est fini vers 2 heures....)

"Nous devons nous y habituer : aux plus importantes croisées des chemins de notre vie, il n'y a pas de signalisation." Ernest Hemingway.

Résumé du livre « sur la corde raide » (rédigé par Ahmed Larhziel) :
Ce livre est le résultat d’une recherche menée sur les suites des émeutes de 2005, dans la Cité Balzac à Vitry-sur-Seine et la Grande Borne à Grigny. Elle avait pour objectif de questionner le « sens des révoltes sociales» et les effets des politiques publiques qui y ont été conduites depuis.
L’auteur signale qu’on assiste à « une mise en question radicale de ces lieux et de leurs jeunes habitants »
La démarche de cette étude qui ne semblait pas aisée, car mal accueillie au début par des acteurs et des habitants disant « à quoi bon ?», par désillusion et désaveu de tout ce qui pouvait signifier « la non prise en compte de leurs  véritables problèmes de terrain » :
- des ateliers de travail avec des acteurs sociaux, des habitants, quelques élus et institutionnels.
- des entretiens personnalisés, recueil de témoignages
- des questionnaires
1/ Les événements de 2005 constituaient avant tout un soulèvement colérique contre les injustices de la police et des décideurs politiques, vécues ou ressenties individuellement mais exprimées en groupe, ensemble. Ces émeutes étaient sociales, pas ethniques, une violence comme moyen de dénoncer le désespoir…
2/ La politique de démolition/construction ou rénovation n’a pas été concertée avec les premiers concernés, manque de démocratie participative. Les projets ont été élaborés par les institutionnels et les technocrates, qui ont parfois instrumentalisé des centres sociaux et services de la mairie, d’autant plus que cette politique concerne un secteur urbain bien plus large que le quartier concerné…
3/ les modes d’information sur ces projets ont manqué de pédagogie et semblaient édicter de simples déclarations et procédures, notamment dans les relogements des habitants qui ont été souvent obligés de déménager, dont un nombre considérable  (30 à 40%) veulent revenir à leur cité d’origine…
4/ La culture politique de ces territoires, la vie démocratique, y est presqu’inexistante, affaiblie par une monopolisation de dirigeants locaux. Les habitants y sont des figurants « d’extériorité », hors du jeu politique…
5/ La Cité Balzac est restée marquée par deux drames : l’assassinat de Sohane (brûlée vive)  par un jeune du quartier en 2002, et la mort d’Abdelkader en 1980 (tué à 15ans par un gardien d’immeuble). renforcée par la délinquance et la précarité de la majorité des habitants Une Image négative qu’elle partage avec La Grande Borne,.
6/ La réponse de l’État lors des émeutes par la répression a contribué à dégrader les rapports entre la police, les institutionnels d’une part et les jeunes d’autre part. Provocations, détérioration des comportements civiques et agressions…Les jeunes ne croient plus assez à la justice républicaine…
7/ Le rôle des médias de grand public est aussi décrié, surtout après les émeutes, comme « manipulateur de l’opinion publique » quand il s’agît d’informer sur ces quartiers et leurs habitants. La recherche du sensationnalisme les mène à diffuser des contre-vérités…